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Le reboisement de la France
La surface boisée de la France et des pays d’Europe a considérablement diminuée en raison de développement de l’agriculture et de l’élevage pour nourrir une population croissante. C’est alors posé le problème de la protection de l’environnement contre l’érosion en milieu montagneux et la production de bois d’oeuvre pour la construction.
La première loi française d’ensemble qui prit alors en compte le rôle de la forêt dans la protection contre les risques naturels fut promulguée le 28 juillet 1860. Elle avait pour objectif «le reboisement de la plus grande surface possible de montagne». C’est ainsi que seront mis en chantiers les boisements de protection pour la restauration des terrains en montagne.
Cette loi permet la création de périmètres où le reboisement, déclaré d’utilité publique par décret impérial (sous Napoléon III), est rendu obligatoire. Si les propriétaires ne réalisent pas ces travaux, ceux-ci sont exécutés par l’Etat selon des modalités de mise à disposition des terrains en fonction de leur statut. En dehors des périmètres, des aides aux propriétaires volontaires pour reboiser sont possibles. En application de cette loi, en 1861 est mis en place, au sein de la Direction des Eaux et Forêts, un Service du Reboisement, doté alors de 32 Ingénieurs des Eaux et Forêts et de nombreux agents.
Création de la pépinière départementale des Éguillettes
Ces opérations de reboisement touchèrent toutes les communes disposant de massifs montagneux, notamment sur les massifs bordant la vallée de l’Azergues et ceux du Beaujolais. Sur la commune de Vauxrenard, c’est la montagne des Eguillettes qui sera concernée. Pour effectuer ces reboisements le besoin en plants est très important et il est nécessaire de créer des pépinières pour prélever des graines sur les arbres et obtenir les plants qui seront distribués gratuitement aux propriétaires et aux collectivités désirant reboiser leurs terrains.
Ainsi, le 7 octobre 1863, la commune de Vauxnenard cède au département, « sans redevance et pour une durée illimitée, un terrain de 4 ha 31 dont 2 ha sont déjà reboisés en résineux, destiné à installer une pépinière qui sera gérée par l’administration des Eaux et Forêts ». La description du terrain par la direction des forêts indique qu’il s’agit « d’un terrain siliceux, léger et assez profond de tufs orthophyriques situé à 800 m d’altitude, avec une pente de 10% en moyenne ».
La maison forestière
Construite dans les années 1870 pour accueillir les agents responsables de la pépinière elle permettait également de stocker le matériel nécessaire à la collecte, au tri et au séchage des graines. La maison initiale comprenait seulement la partie centrale : cuisine, bureau, et 2 chambres à l’étage.
Elle a été agrandie petit à petit, par la construction, côté gauche d’une salle à manger avec chambre au-dessus, d’une cave, d’une étable avec grange au-dessus, puis d’un garage et de diverses dépendances avec au-dessus une sécherie pour les graines. Un espace est aménagé pour mettre des lits où logeait le personnel temporaire, notamment les agents des Eaux et Forêts qui venaient faire les martelages (marquage des arbres à abattre).
En 1943, a été abattu un très gros Wellingtonia situé juste devant la maison. Il a nécessité une journée entière de travail à Monsieur Carrette d’Ouroux uniquement pour l’équarrir.
L’électricité a été installée en 1947 et le téléphone en 1954.
Les ouvriers travaillant à la pépinière
Le travail de la pépinière demandait de la main d’œuvre : au printemps pour les semis et les repiquages, puis tout l’été pour le désherbage et à l’automne pour l’arrachage des plants et la mise en paquets de 100. Il y avait un « carré » (une plantation) d’osiers qui servaient à lier les paquets.
Pour effectuer ce travail, il y avaient jusqu’à 8 personnes employées temporairement. Voici les noms de quelques une de ces personnes qui ont travaillé à la pépinière : Joseph Mélinand, Louis Morin, Etienne Carra, Mme Savoye (les Bourrons), Henri Large (Montgoury) Suzanne Chagny (Collevray), Mme Morin (le bourg) Emile Pouly (Montgoury) Mme Perraud, Mme Ducroux, Mme Burgod, Jean Burgod, Henri Gulgilminotti, Marcellin Collet, Gisèle Collet, etc.
L’hiver, seuls les hommes étaient occupés à nettoyer les plantations départementales et communales et à repiquer les plants. Les travaux de nettoyage des plantations de la commune étaient facturés à la municipalité.
Le maquis et les prisonniers allemands
Durant la dernière guerre, des maquisards avaient élu domicile sur la montagne des Éguillettes et sur le plateau du côté d’Avenas. Ils étaient entre 150 et 300. Ils logeaient dans des cabanes dans les bois et faisaient des tranchées couvertes de genêts pour se cacher. Ils sont restés 3 mois. Six d’entre eux ont été tués à Avenas le 25 mai 1944 (un monument leur est consacré à la sortie du village d’Avenas). En septembre, ils sont repartis sur Lyon. Ils correspondaient avec ceux du Château du Thyl.
A la fin de la guerre qui a consacré la victoire des alliés, 6 prisonniers allemands ont été employés à la Pépinière de 1945 à 1948. Ils abattaient des bois en bas de la Pépinière. Ils logeaient dans la sécherie et cuisinaient au rez-de-chaussée. Un seul prisonnier, Yannis, couchait dans le hangar en bas. Un jour qu’il ne voulait pas aller travailler, il attendait M. Burgod, alors garde forestier, avec une hache à la main et la lui a lancée à la tête. M. Burgod a eu juste le temps de se reculer ; la trace de la hache est toujours visible dans la porte du hangar ! Yannis a été déplacé, et plus tard, il a travaillé dans les vignes à Beaujeu.
La production de la pépinière
De nombreuses essences étaient cultivées pour être livrées sous forme de plançons : sapin pectiné, sapin de Grandis, douglas, épicéas, mélèzes, cèdres, diverses espèces de pin (Sylvestre, Laricio de Corse, noir d’Autriche…), acacias, châtaigniers, hêtres…
Le nombre de plants livré est important et croît au fil des années surtout après la mise en place du Fonds Forestier National (FFN) créé en 1946 (et supprimé en 2000). Ces aides consistaient en une fourniture gratuite de plants au propriétaire désirant donner une valeur économique plus importante à son patrimoine boisé (presque exclusivement par enrésinement). Nombre de plants livrés à différentes dates :
- 1938 : 260 000 plants
- 1958 : 389 000 plants
- 1960 : 436 000 plants
- 1963 : 588 000 plants
On note à partir des années 1960, la très forte croissance des douglas, au détriment des autres essences. Ils représentent alors plus de la moitié des plants livrés.
Les gardes forestiers
De très longue date, la forêt domaniale française est administrée par un organisme public : l’Administration des Eaux et Forêts chargée des forêts, de la chasse, de la pêche en eau douce, mais aussi dès 1861 de la première réserve naturelle et dès 1913 du premier parc en France.
Sous le général De Gaulle, le ministre de l’Agriculture, Edgard Pisani, instaure par décret au 1er janvier 1966 l’établissement public industriel et commercial de l’Office national des forêts qui succède en partie à l’Administration des Eaux et Forêts, et va devoir s’auto-financer, essentiellement par la vente de bois et la location de lots de chasse et de pêche.
Les missions et le financement de l’ONF évoluent constamment depuis les années 2000 : réduction du budget et des effectifs, privatisation rampante et rentabilité commerciale au détriment du service public entraînent un profond malaise au sein du personnel de l’Office.
Présent à Vauxrenard depuis 1863, les représentants de l’administration forestière voient leur dernier agent quitter la commune en 2018 avec le départ à la retraite de Bernard JOBARD.
Lui ont précédé :
- Joseph GAY
- Jean-Pierre LAGRANGE
- Claude Marie RENARD
- Jean PROTON
- Eugène BURGOT
- Mr LOUIS
- Julien BUIRON
- Jean-Luc BELIN (1983-1988)
- Bernard JOBARD (1989 – 2018)
(Vérifier s’il ne manque personne et, si possible obtenir les dates de début et fin de fonction.)
Les trois mares
A deux cent mètres environ de la maison forestière, en suivant un petit sentier sous les douglas plantés suite à la tempête de 1999, on a le plaisir de découvrir trois petites mares dont le niveau de l’eau dépend beaucoup des saisons. Elles ont été aménagées à l’initiative de Bernard JOBARD lors des travaux préparatoires à la reconstitution des peuplements détruits en 1999. Leur objet était d’améliorer et/ou d’accroître la biodiversité liée aux milieux humides ou aquatiques dans les massifs forestiers.
Ces travaux d’infrastructure étaient prévus dans l’itinéraire de reconstitution retenu pour cette parcelle : 20% de la surface pouvait être consacré à des travaux et/ou des essences forestières introduites dans le but d’amélioration de la biodiversité du milieu concerné.
Elles offrent aujourd’hui une agréable halte aux promeneurs curieux de leur rendre visite.
Pour finir, la suite…
En 2015, le maire de Vauxrenard, Monsieur Salançon, envisage de faire des Éguillettes un centre de loisirs motorisés. Mais ce projet soulève l’indignation d’une large majorité de la population. Le projet est abandonné lors de la réunion publique mémorable organisée par la mairie le 16 septembre 2016 en présence de M. Broyer, porteur du projet et d’une grande partie de la population opposée au projet.
Après le départ de Monsieur Jobard en septembre 2018 la commune de Vauxrenard achète la maison de la Pépinière au département.
Ainsi, la pépinière de Vauxrenard aura apporté une activité pendant près de 150 ans, permettant notamment à la commune de Vauxrenard de disposer d’une belle forêt dont les revenus furent importants pour les deniers de celle-ci pendant de longues années. Elle était connue dans tout le département, au même titre que celle de St Appolinaire créée à la même époque.
La pépinière départementale de Vauxrenard cessera son activité de production de plants forestiers en 1988 (celle de Saint Appolinaire quelques années plus tard).
En mars 2020, lors des élections municipales, la liste sortante conduite par Sixte DENUELLE, propose dans ses projets prioritaires de trouver une destination à la maison de la Pépinière qui fasse consensus auprès des habitants de Vauxrenard.
Daniel Mathieu, août 2020
Ce texte a été rédigé sur la base des travaux de documentation de Cécile Large, fille d’Eugène BURGOT, ancien garde forestier de la commune de Vauxrenard.
Il a été relu, corrigé et complété par Bernard JOBARD, dernier « garde forestier » en exercice à la Pépinière.