Géologie de la commune de Vauxrenard

Vauxrenard : un sous-sol varié âgé de plus de 300 millions d’années !

Le sous-sol de la commune de Vauxrenard, à l’instar de celui du Haut Beaujolais, est majoritairement constitué de roches magmatiques et métamorphiques datant de l’ère primaire [1]. Ce socle de roches cristallines anciennes, auquel s’ajoutent un reste de couches sédimentaires de l’ère secondaire et des dépôts superficiels quaternaires, montre une relative diversité.

Des Guillats à Changy

De la montagne des Ollagniers jusqu’aux hameaux des Guillats et de Changy, en passant par les hauteurs du Bourg et le hameau des Brigands, une roche magmatique proche de la diorite, de couleur gris-vert foncé à noir, dénommée localement « pierre bleue » (elle prend effectivement des reflets bleutés sous l’effet de l’altération), marque véritablement le paysage par les gros blocs isolés ou en amas qui apparaissent çà et là à la surface du sol, bien visibles dans les champs ou la forêt (voir notre article « Les chaos rocheux de Vauxrenard »). Cette roche est la plus ancienne du pays de Vauxrenard : sa genèse remonte à la fin de la période dévonienne, il y a 360 à 370 millions d’années. Elle a subi d’importantes transformations, par métamorphisme et par de puissantes contraintes tectoniques, aux dépens de roches ancestrales chimiquement très proches mais dont la minéralogie, un peu différente, est née dans un contexte de formation très distinct du mode de gisement actuel, enserré au sein du bâti rocheux du Beaujolais, sur la bordure du Massif Central et au milieu du continent européen. Ce contexte originel est difficile à reconstituer, mais il avait très certainement un rapport étroit avec le volcanisme basaltique ou andésitique affectant les marges actives des continents, là où les plaques tectoniques convergent et où une plaque océanique plonge dans le manteau terrestre (« zone de subduction »). C’est en tout cas ce que laisse entendre la signature géochimique de la roche dioritique, qui exprime en effet une affinité avec le « manteau supérieur » (périphérie du manteau de la Terre, juste en dessous de la « croûte » de roches froides). C’est dire l’étonnante complexité et le caractère tout à fait extraordinaire de l’histoire géologique que le Beaujolais a connue et dont témoigne le sous-sol de Vauxrenard !

De Montgoury à Fontmartin

Au nord-ouest de la commune, de Montgoury à Fontmartin, s’étend un ensemble volcanique assez monotone. Un peu plus récent que le complexe dioritique, celui-ci s’est formé au Carbonifère inférieur, il y a environ 330 à 335 millions d’années. Il s’agit de « laves » et de « tufs » (débris de lave soudés) durs et compacts, riches en silice, dont la couleur varie du vert sombre au noir, avec des nuances gris-bleu quand la roche s’abîme en surface. D’où la même dénomination de « pierre bleue » que les habitants locaux lui donnent aussi parfois. Ces roches proches de la rhyolite (terme éruptif des magmas granitiques) émanent avant tout d’un volcanisme continental explosif. Mais ne nous y trompons pas : les volcans de cette époque lointaine ont totalement disparu, érodés depuis des centaines de millions d’années. Ne subsistent aujourd’hui dans les monts du Beaujolais que les produits de leur activité, descendus et empilés dans les vallées d’autrefois : coulées de lave et accumulations de projections.

De Vareille à Faudon et Voluet

La partie sud-est de la commune, comprenant les hameaux de Vareille, du Moulin du Prince, des Bourrons, des Combiers, de Voluet et de Faudon, repose sur un troisième substrat géologique appartenant aux temps primaires : une variété de granite. Cette roche du Carbonifère supérieur, âgée d’environ 310 à 320 millions d’années, de couleur claire à gris rosé, se caractérise par la fréquence de ses cristaux de grande taille. On y distingue en effet souvent de gros feldspaths potassiques (orthose). C’est un peu une « marque de fabrique » des granites beaujolais, même si, parmi eux, cette texture minérale n’est pas la seule. La genèse des granites s’inscrit avant tout dans la fin de l’évolution des chaînes de montagne, lorsque celles-ci cessent de croître. L’une d’entre elles, la grande chaîne hercynienne [2], née d’un vaste plissement à l’époque carbonifère – on parle du reste de « plissement hercynien » -, n’est autre que le berceau du granite de Chiroubles et de Vauxrenard. Ce granite s’altère facilement au cours du temps en donnant un sable grossier appelé « arène », localement désigné sous le nom de « gore », ou même parfois, improprement, de « grès ». C’est pour exploiter ce « gore » que la municipalité fit l’acquisition en 1911 de la carrière située à la bifurcation des routes de Durbize et de Montgoury.

Des filons de minéraux

Ces diverses roches constituant le socle primaire local renferment quelques filons minéralisés, dont la gangue est généralement faite de quartz blanc, rosé ou rouge. Le plus ancien témoignage de prospection à Vauxrenard remonte à 1826. Plusieurs propriétaires de la commune s’étaient alors groupés pour entreprendre la prospection au bois de la Brosse, au-dessus des Brigands, d’un minerai qu’ils croyaient être de la galène (sulfure de plomb). Plus tard seront découverts puis exploités des filons de fluorine [2] et de barytine [3] : l’un au Moulin du Prince et l’autre en dessous du hameau des Bourrons. Celui du Moulin du Prince ne fut jamais exploité industriellement. Celui des Bourrons le fut dans les années 1930 et 1940. Le minerai était traité à l’usine de Belleville-sur-Saône avec les minerais provenant de Lantignié, Chénelette, Claveisolles et Haute-Rivoire. Le faible dimensionnement des veines n’a pas permis une exploitation importante de ces matériaux. On rapporte qu’un ouvrier fut tué accidentellement au moment de l’arrêt de l’exploitation de la mine des Bourrons. Des gisements de même nature furent exploités avec plus de succès dans les communes environnantes (cuivre à Monsols et aux Ardillats, plomb à Propières et Claveisolles, fluorine à Lantignié, barytine à Beaujeu, etc.)

De la montagne à la mer…

Les anciennes montagnes de la fin de l’ère primaire, soulevées lors du plissement hercynien puis soumises à l’action de l’érosion, ont été peu à peu aplanies et transformées en pénéplaine. Au début de l’ère secondaire, durant la période du Trias, il y a environ 240 millions d’années, cette vaste plaine a été progressivement recouverte par la mer. Des sables apportés par l’érosion des reliefs situés en périphérie se sont accumulés dans les espaces côtiers, sur quelques dizaines de mètres d’épaisseur. Ces dépôts marins se sont lentement transformés en roche pour donner des grès, composés essentiellement de grains de quartz et de feldspath cimentés entre eux – quand les feldspaths sont nombreux, on parle de grès feldspathique ou de grès arkosique, ou encore d’arkose, comme dans bien des cas en Beaujolais. – A la base du dépôt, le ciment des grès est fortement enrichi en silice (grès quartziques) ou, parfois, en barytine (grès barytiques). Les veines et les auréoles de couleur jaune ou rouge que l’on peut y observer sont dus aux oxydes de fer qui ont ici ou là imprégné la roche. Les grès triasiques ont été le prélude au dépôt des célèbres calcaires jurassiques, si riches en fossiles, mais que l’érosion a fait disparaître du paysage actuel des environs de Vauxrenard. On les retrouve non loin d’ici, à plus basse altitude, à Lancié ou à St-Lager, au pied du Mont Brouilly, ou encore, au nord, dans le proche Mâconnais (Tramayes, Leynes, Solutré, Vergisson…), et bien sûr, au sud, dans le Beaujolais des Pierres Dorées (en complément sur le grès et ses utilisations, voir nos articles sur « La Pierre de Saint-Martin » et sur « La carrière de pierre des Éguillettes »).

Le grès des Éguillettes

Durant le plissement alpin intervenu à l’ère tertiaire, la série géologique primaire et secondaire a été soulevée, formant le relief actuel du Beaujolais. Les anciens sédiments secondaires couvrant le socle volcanique et granitique sous-jacent, ainsi portés à plus de 800 mètres d’altitude, ont été ensuite progressivement érodés, ne laissant subsister que quelques rares témoins, dont les reliques de plage fossile du début Trias qui coiffent les montagnes d’Avenas et de Vauxrenard. Il subsiste en effet trois « calottes » de grès sur les sommets de la Brunette, des Bois Bourbets et de la Trappe aux Loups-La Croix Callet-Les Pendants, à Avenas, et une au sommet des Éguillettes, à Vauxrenard. La carrière du Petit Callot à Avenas, récemment exploitée par l’entreprise Bouillard d’Ouroux, et les pentes forestières qui la dominent laissent encore voir des amas de roche glissés provenant des massifs de grès de la Trappe aux Loups et de la Croix Callet.

Des restes glaciaires

Dans la région de Vauxrenard, on ne trouve aucun signe des événements géologiques de la fin du Tertiaire et du début du Quaternaire. A l’inverse, les indices géologiques de la fin du Quaternaire et de l’époque actuelle sont nombreux. Les dépôts et structures glaciaires et périglaciaires et les sols pédologiques recouvrent çà et là sur une faible épaisseur les formations plus anciennes. Si les sols et colluvions argilo-sableux nappent le substratum rocheux un peu partout, les restes de terrains glaciaires et périglaciaires à cailloutis et blocs sont beaucoup plus réduits et localisés. Le phénomène glaciaire est principalement visible sur le plateau incliné du Chizot et sur quelques rares replats surplombant le ruisseau de Changy. Les effets de l’action périglaciaire (alternances gel-dégel répétées de nombreuses fois) s’observent près du sommet gréseux des Éguillettes (site de la pierre de Saint Martin et alentours – voir notre article sur « La pierre de Saint Martin ») et partout où la roche dioritique (« pierre bleue ») apparaît sous forme de blocs isolés ou en amas (voir notre article sur « Les chaos rocheux de Vauxrenard »).

Bruno ROUSSELLE, 2020, géologue spécialiste du Beaujolais, conservateur du musée géologique des Pierres Folles à Saint-Jean-des-Vignes, Rhône, et conseiller scientifique auprès du Géoparc Beaujolais UNESCO.

Notes

[1] La chaîne hercynienne, ou « varisque », est la grande chaîne de montagne qui s’est formée à la fin de l’ère primaire, essentiellement à l’époque carbonifère (-360 à -300 millions d’années). Elle fut la conséquence de la vaste collision des continents Gondwana (Afrique, Amérique du Sud, Australie, Antarctique…) et Laurussia (Amérique du Nord, Europe, Asie occidentale…) à l’origine du supercontinent « Pangée », le « continent unique ».

[2] Fluorite ou fluorine : espèce minérale composée de fluorure de calcium de formule idéale CaF2, avec des traces d’autre métaux et de composés organiques. Son origine naturelle est hydrothermale. Ces différents ions expliquent les multiples couleurs et zonations colorées rencontrées pour ce minéral. Son nom industriel est « spath fluor ». Source principale du fluor, elle est aussi utilisée pour réaliser des lentilles optiques, en raison de sa très bonne transmission de l’infra-rouge à l’ultraviolet et de sa faible dispersion. L’industrie l’utilise également comme fondant pour l’acier et l’aluminium (abaissement du point de fusion).

[3] La barytine, ou baryte, est une espèce minérale composée de sulfate baryum de formule BaSO4, avec des traces de Sr, Ca, Pb. Ce minéral, d’origine hydrothermale, présente de nombreuses variétés. Sa densité élevée et le baryum qu’il contient sont les principales raisons de ses utilisations industrielles. Plusieurs millions de tonnes de barytine sont extraites et produites chaque année. Les trois-quarts sont utilisés pour alourdir les boues de forage pétrolier à grande profondeur. La barytine est aussi utilisée en peinture (charge minérale blanche) et en radiologie médicale, comme contrastant pour les rayons X, ainsi que dans les installations nucléaires, pour la protection contre les rayonnements ionisants.