Le Tombeau de Gargantua

Son emplacement

Le tombeau de Gargantua. Photo Jean-Claude Martin, 2019

Le Tombeau de Gargantua, est une proéminence rocheuse située à la frontière entre Vauxrenard et Chiroubles. On le croise en poursuivant le chemin des crus qui part de la terrasse de Chiroubles en direction de Vauxrenard.

A cette barre rocheuse sont attachées deux histoires, l’une géologique liée à sa genèse, l’autre légendaire issue de l’imaginaire des hommes qui l’ont côtoyée au cours des âges.

Sa géologie

A la fin du soulèvement hercynien, il y a 320 millions d’années, s’élevait en Europe méridionale une immense chaîne de montagne dont on retrouve de solides témoignages géologiques dans le Massif Central, les Vosges, le Massif Armoricain… Les hauts reliefs de ce vaste édifice n’existent plus aujourd’hui. Les montagnes beaujolaises qui nous entourent et que nous connaissons si bien sont nées beaucoup plus tard, à l’ère tertiaire, à peu près en même temps que les Alpes.

Au cœur du domaine hercynien, comme dans toute chaîne de collision de type alpin en fin d’évolution, un processus naturel a pris place : la formation de magmas granitiques. Le granite de Chiroubles, qui s’étend également à l’est et au sud de la commune de Vauxrenard, parmi d’autres, provient directement de ce phénomène, caractéristique et essentiel dans un tel contexte géologique (pour plus de détail sur la géologie de Vauxrenard, voir notre article « Géologie de la commune de Vauxrenard »).

Dans ce massif de granite en cours de refroidissement et de déformation sont apparues de nombreuses fractures. Alimentés par la chaleur émise depuis les profondeurs du magma, des fluides chauds, sous pression et chargés en minéraux dissous, ont emprunté ce réseau de failles, créant ainsi une importante circulation hydrothermale. Au fur et à mesure de leur progression, la perte de température et de pression des fluides ont provoqué la précipitation et le dépôt de silice (quartz, calcédoine… et même agate !), et parfois d’autres minéraux à l’origine des filons riches en fluorine, barytine ou galène que l’on connait à Lantignié ou à Vauxrenard (Les Bourrons, le Moulin du Prince). Ceux-ci se sont formés sur les parois des fractures et ont fréquemment intégralement rempli ces dernières.

Formation des filons de quartz – Bruno Rousselle, 2018

Après érosion des masses rocheuses supérieures, un phénomène qui peut prendre des dizaines de millions d’années, les filons de quartz peuvent parvenir à la surface. Plus durs et plus résistants que les roches environnantes, ces veines hydrothermales refroidies et figées affleurent et prennent l’aspect d’une crête rocheuse allongée, dont un bel exemple est le fameux « Tombeau de Gargantua ». Ce filon de quartz de plusieurs mètres d’épaisseur est profondément ancré dans le sol granitique, et non pas constitué d’une simple accumulation de rochers en surface, comme on peut parfois l’imaginer.

Quartz brèchique cristallisé provenant du tombeau de Gargantua. Photo Daniel Mathieu, 2016

Sa légende

C’est Claudius Savoye, qui, le premier, a décrit cette curieuse arrête rocheuse : «À Vauxrenard, sur la rive droite de la Mauvaise, au pied du Montgourry, une arête rocheuse, de 300 mètres de long, qui simule assez bien le tertre formé par le foisonnement des terres sur une tombe récente, porte le nom de Tombeau de Gargantua. Tombeau grandiose, s’il en fût, mais où le fils de Gargamelle et de Grandgousier doit être à l’étroit, s’il on en croit ses exploits, et auprès desquels les sept travaux d’Hercule feraient piètre figure… » .

Les anciens racontaient comment Gargantua, de passage en mâconnais, décida, comme il en avait pris l’habitude lors de ses précédents séjours, de se reposer dans le vallon qui sépare les rochers de Vergisson et de Solutré. Après une bonne sieste réparatrice, le géant se réveilla avec une soif terrible qu’il lui fallait étancher au plus vite. Il se leva et posa un pied sur la roche de Solutré, l’autre sur le sommet de la Grisière (Sancé) à quelques kilomètres de là, et se pencha pour boire directement dans la Saône.

Les riverains virent le niveau d’eau de la rivière baisser au fur et à mesure que le géant buvait. Mais tout à coup, une terrible explosion retentit qui fit tressaillir d’effroi tous les habitants de la région. Gargantua avait trouvé le moyen d’avaler des canons qui étaient placés le long de la Saône, et sa panse avait éclaté. Il s’écroula, mort, la tête à Mâcon, et les pieds toujours à Solutré et sur la Grisière. La stupeur passée, on convoqua tout ce que la Bourgogne et le Beaujolais comptaient de fossoyeurs. Après d’interminables discussions pour choisir l’emplacement du tombeau, on finit par se mettre d’accord sur un lieu situé à la limites des deux provinces, entre Vauxrenard et Chiroubles. Pendant que l’on s’affairait à creuser l’immense trou, on vit descendre du haut du Mont Gourry de nombreux loups gris qui se rassemblèrent auprès de la dépouille du géant (où une roche dressée porte toujours le nom de Roche aux Loups). D’abord effrayés, tous les gens s’enfuirent de peur d’être dévorés. Mais ils revinrent bientôt finir leur travail en s’apercevant que ces créatures n’avaient aucune volonté d’attaquer. Ils étaient simplement là pour rendre hommage à leur compagnon, pleurant comme des chiens qui ont perdu leur maitre. C’est peut être pour cela que certains disaient autrefois que « Montgourry, c’est le mont des loups gris ». On disait également que ces loups étaient les compagnons du Géant, mais qu’ils ne l’avaient pas accompagné en Bourgogne pour ne pas effrayer les Bourguignons.

Source des informations

Géologie

Légende

  • C’est Philippe Branche, grand connaisseur des légendes du Beaujolais qui nous a fait parvenir ce texte à parti des sources suivantes :
  • C. Savoye, Le Beaujolais préhistorique, Lyon, 1899. (pour la description et la localisation)
  • Maurice Chervet, Contes du Tastevin, Editions du Rocher, Monaco, 1955. (chapitre sur Les faits et gestes du grand Gargantua, légende)
  • Émile Magnien (1914 – 1999), historien régionaliste du Mâconnais, notes sur le Mâconnais, manuscrits, Archives de l’Académie de Mâcon. (légende)