A l’origines des sources
L’eau qui alimente sources et ruisseaux provient de la pluie qui s’infiltre dans le sol et le sous-sol rocheux. La quantité et la qualité de cette eau dépendent bien sûr de l’abondance des pluies, mais aussi de la capacité du sol à retenir l’eau pendant les périodes pluvieuses, et celle du sous-sol à la stocker puis la restituer. Sa teneur en minéraux dépend des roches réservoirs. En l’absence de roches calcaires, sa minéralité (calcium, magnésium, potassium, sodium) est faible, mais elle riche en silice (eau classée très douce).
Le régime des pluies sur la commune de Vauxrenard est de l’ordre de 700 à 1000 mm par an. Il dépend beaucoup des années, sèches ou pluvieuses. Sur la surface de la commune cela représente un volume annuel qui se situe entre 13 à 20 millions de m3 selon les années. Ce volume d’eau se partage en trois grandes destinations : 1) évaporation et transpiration des végétaux, 2) ruissellement dans les rivières et 3) stockage temporaire dans le sous-sol. A noter que la consommation d’eau potable de la commune ne représente que 0,2% de cette ressource…
La couverture du sol influe beaucoup sur le cheminement de l’eau :
- un terrain nu ruisselle beaucoup, évapore peu et ne stocke pas ;
- une forêt évapore beaucoup, ruisselle peu et stocke beaucoup.
La déprise agricole et l’accroissement de la surface forestière ont ainsi pour effet d’augmenter l’évaporation en été et le stockage de l’eau en hiver et de réduire le ruissellement en cas d’orage. L’impact sur le débit des ruisseaux est sensible, notamment en réduisant l’importance des crues hivernales et en améliorant le stockage de l’eau restituée en été.
Le sous-sol rocheux a lui aussi son importance. Ainsi, le granite que l’on rencontre du Col de Durbize au bourg de Vauxrenard, vieux de 310 millions d’années, est une roche cristalline très fracturée et à fort taux d’altération. Dans certaines fractures anciennes, aujourd’hui colmatées pour l’essentiel, on trouve les gisements de quartz, fluorine et de baryte de la commune. Mais dans l’imposant réseau de fractures actuelles dans les couches superficielles de la roche, et dans la roche granitique altérée rendue poreuse, l’eau de pluie peut s’emmagasiner et être restituée progressivement tout au long de l’année. La preuve en est donnée par le débit de la Mauvaise qui ne tarit jamais les étés, même les plus secs.
A l’autre extrémité de la commune le sous-sol, plus ancien, est de nature volcanique. La « pierre bleue » (diorite) qui le caractérise est très compacte et peu fracturée et montre un taux d’altération plus faible. L’eau y est emprisonnée en moins grande abondance et ruisselle plus facilement lors des orages. En atteste le débit de la rivière de Changy, très variable et souvent à sec en période estivale.
Quant au sommet des Aiguillettes, il est couvert de grès datant du Trias (245 millions d’année). Cette roche issue de la consolidation de sables d’érosion est relativement fracturée et certaines de ses couches sont pour partie poreuses. Elle laisse s’infiltrer l’eau qui ressurgit au contact avec la roche volcanique sous-jacente, imperméable tant par sa constitution compacte que par un début d’argilisation de sa partie la plus superficielle en contact avec le grès, d’où la présence des différentes sources sur le pourtour des Aiguillettes. La principale, très abondante, alimentait jadis l’adduction d’eau de Vauxrenard.
Qualités des eaux de sources
Les caractéristiques physico-chimiques des eaux de sources sont dépendantes des roches réservoirs qui les contiennent. Ainsi on peut noter de très sensibles différences entre les eaux provenant des roches granitiques et des roches volcaniques décrites ci-dessus.
Le granite délivre des eaux riches en silice (acide silicique) et très faibles en autres minéraux. De ce fait elles sont relativement acides (pH de 5) et très peu minéralisées.
Les eaux provenant des massifs de nature volcanique (pierres bleues) sont quand à elles beaucoup plus riches en éléments basiques alcalins (sodium, potassium) et alcalino-terreux (calcium, magnésium) provenant du sous-sol (pH de 7). Cette richesse en bases du sol volcanique est particulièrement bien mise en évidence par la flore non perturbée qui pousse dans la forêt. Ainsi, la présence d’herbacées comme l’Hellébore fétide (Helleborus foetidus), la Parisette (Paris quadrifolia), la Mercuriale vivace (Mercurialis perenis) ou de ligneux comme l’Érable champêtre (Acer campestris), le Cornouiller sanguin (Cornus sanguinea), le Hêtre (Fagus sylvatica) ou l’Érable sycomore (Acer pseudoplatanus) attestent clairement d’une richesse en bases dans l’humus et le sol forestier.
Au-delà de ces différences floristiques entre ces deux types de roches nous remarquons deux autres indices qui les différencient :
- l’un, purement physique, est caractérisé par la turbidité de l’eau des ruisseaux. En milieu granitique les particules argileuses (micelles) de polarité négative se repoussent les unes les autres. De ce fait elles restent en suspension dans l’eau occasionnant un trouble persistant plus ou moins important en fonction de la teneur en argile. Sur l’autre support rocheux, la présence de bases, notamment le Ca++ et le Mg++ provoquent la floculation des argiles attirées par ces ions positifs. Les eaux décantent ainsi rapidement suite à une perturbation (agitation, ruissèlement…)
- l’autre, biologique, est caractérisée par la présence fréquente de truites fario (Salmo trutta) et d’écrevisses à pattes blanche (Austropotamobius pallipes) dans le ruisseau de Changy qui est située sur terrain volcanique, alors que ces deux espèces sont pratiquement absentes dans la partie supérieure de la Mauvaise qui provient de roches granitiques. La raison de cette différence est selon toute vraisemblance à attribuer à la composition chimique beaucoup plus riche des eaux du ruisseau de Changy favorable à la prolifération de microorganismes dont se nourrisses truites et écrevisses.
L’eau communale
Jusque dans les années 1950, l’eau des fermes et des ménages provient d’une source captée localement ou d’un puits aménagé près des maisons. C’est dans les années 50 que fut créé le réseau d’adduction communal alimenté par deux sources remarquablement abondantes : celle de la Mauvaise, l’autre sur la montagne des Aiguillettes, près de la Pépinière. Deux réservoirs de stockages sont construits, l’un au-dessus du hameau des Brigands, l’autre au-dessus du village. La distribution de l’eau d’abord communale, est ensuite confiée au syndicat intercommunal des eaux du Haut-Beaujolais (SDEI). Elle est qualifiée « très douce » car ne contenant pas de calcaire. La production des deux sources varie alors de 35 000 à 40 000 m3/an, de quoi satisfaire une population de 700 à 800 habitants, soit plus de deux fois la population de Vauxrenard.
D’autres sources, moins abondantes, alimentent les deux ruisseaux principaux : la Mauvaise et le ruisseau de Changy. Les principales sources de la commune sont les suivantes :
- Sources de la Mauvaise (collectée)
- Source des Aiguillettes (collectée)
- Source de la pépinière, près de la maison forestière
- Source du ruisseau des Planches
- Source de la Bachasse (propriété Peillon)
- Source du goure Prat (ancien lavoir)
- Source de la Chevenotte (alimentait un bac à rouir le chanvre)
- Source des Brigands
- Source de Pierre Bully (ancienne habitation)
- Sources de la rivière de Changy (Fontmartin, ria de Praillu)
Les installations vieillissant, il faut les rénover… C’est le syndicat intercommunal SDEI qui prendra en charge la rénovation des infrastructures. Or, en 2008, à la surprise des habitants, la fiche sanitaire de la DDASS analysant la qualité des eaux distribuées, change soudain de ton : d’eau « très douce », cette dernière devient « très agressive » et affirme : « Le contexte géologique des sources fait que l’eau est acide, très faiblement minéralisée et agressive. Le SIE a opté par délibération pour l’abandon des sources au profit d’une ressource dont l’eau n’est pas agressive. »
Le pH de l’eau, analysé par un laboratoire, filiale de Suez, est en effet en moyenne de 6,2 à 6,3 au lieu des 6,5 réglementaires. Bien que les conséquences de cette différence soient négligeables pour la population, une étude est lancée pour évaluer deux solutions alternatives : soit mettre en place des stations de reminéralisation, soit pomper l’eau à partir de la Saône ! C’est la deuxième solution, estimée moins couteuse (!), qui est retenue au grand dam des habitants de Vauxrenard. Ces derniers sont fermement opposés à troquer l’eau de leurs montagnes, « trop pure », contre de l’eau bourrée de calcaire et potentiellement soumise à des restrictions en provenance de la Saône à près de 20 km de là !
En 2008, une rencontre houleuse et mémorable, organisée à l’initiative du maire de VAUXRENARD, Jean-Luc PROTHET, opposé à la solution retenue, rassembla la majorité des habitants de la commune face aux promoteurs du projet : SDEI, DDASS, Véolia et le bureau d’étude Merlin. Mais la décision était actée et la vindicte de la population n’y pu rien changer.
Les travaux étant réalisés, nos dûmes nous accoutumer à boire cette eau « dure » chacun cherchant à en limiter les inconvénients en réutilisant parfois l’eau de sa source ou de son ancien puits, ou plus généralement en installant un adoucisseur d’eau pour éviter l’entartage des appareils ménagers, et dont le coût n’est pas négligeable.
Les usages anciens de l’eau
Les lavoirs
Chaque hameau disposait de son lavoir public, aux Bourrons, aux Brigands, à Voluet. Au bourg le « goure Pra », en haut du village, toujours en eau fut utilisé par Clémence SALEX jusque dans les années 1950-60. On peut aussi noter, près la source de Pierre Bully une petite pièce d’eau où se trouve encore la pierre plate jadis utilisée pour battre le linge, à 50 m des ruines de la maison d’habitation.
Les bassins à rouir le chanvre
Un seul bac à « rouir » le chanvre est encore présent sur la commune. Composé de deux bassins en cascade il était alimenté par une source abondante aujourd’hui captée pour alimenter la ferme du Moulin du Prince. On y laissait « pourrir » les tiges de chanvre pendant plusieurs semaines afin d’en séparer les longues fibres utilisées pour confectionner vêtements et cordages. La culture de cette plante, partout présente en France, est attestée localement par le nom du lieu-dit : la Chenevote, aujourd’hui dénommée, Chevenote par erreur de transcription au 20ème siècle. D’autres bassins devaient exister jadis sur la commune, mais leur existence n’a pas laissé de traces connues…
Les moulins
Cultiver des céréales, moudre le grain et cuire le pain sont trois activités essentielles à la vie des hommes depuis des milliers d’années. Ainsi, sur la commune de Vauxrenard et dans sa proche banlieue ne dénombrait on au 19ème siècle, pas moins de 5 moulins au fil de l’eau. Ils étaient placés sur les deux ruisseaux qui drainent la commune : au nord le ruisseau de Changy qui prend sa source dans la montagne de Fontmartin, et au sud la Mauvaise qui naît dans les bois au-dessus de Vareille. Ces deux rivières se rejoignent sur la commune d’Émeringes, à la limite de Vauxrenard au lieu-dit le Moulin-Combier.
La carte de Cassini (fin du 18ème siècle) mentionne seulement 4 moulins : le Monneret, Bize, Bellecombe et les Roches alors que le cadastre de 1823 en mentionne un de plus, celui du Chizot sur la rivière de Changy. Celui de Voluet n’est mentionné nul part. Ainsi, en suivant le fil de la Mauvaise on rencontrait tout d’abord le Moulin du Prince (le Monneret), puis le Moulin de Bise et le Moulin des Combiers au lieu-dit actuel de Bellecombe et enfin celui de Voluet. Sur la rivière de Changy était cis le Moulin du Chizot, suivi du Moulin des Roches, aujourd’hui rebaptisé Moulin-Combier.
Le moulin du Prince
Ce moulin est le plus en aval sur la Mauvaise, situé au lieu-dit le Monerey, puis le Moneret et le Moulin du Prince, nom de la localité actuelle. Il est présent sur la carte de Cassini (1780) et date donc d’avant la Révolution. Il possédait une paire de meules à grains avec une hauteur de chute de 3,4 m. La puissance utile de la roue était de 1,9 CV pour 3,17 CV brutes à la chute. Une partie de la réserve est encore visible dans la ferme du Moulin du Prince appartenant à Bernard Mathieu. Les ruines du moulin sont pratiquement effacées.
Le moulin de Bise
C’est le moulin le plus important avec 3 roues en cascade et deux activités : farine et huile. La force développée est de 16,5 CV pour 27,5 CV brutes à la chute dont la hauteur est de 10,25 m. C’est le seul moulin dont la réserve soit encore en eau. Les ruines des moulins sont également peu visibles, mais identifiables. Le moulin à farine s’est arrêté dans les années 1930. La réserve a également servi à alimenter une scierie avant que la roue ne soit remplacée par une chaudière à vapeur, puis un moteur électrique. Je me souviens y avoir travaillé avec mon grand-père jusque dans les années 1960.
Le moulin Combier
Ce moulin était situé au lieu-dit de Bellecombe, près de l’habitation de Marc Savoye (qu’il ne faut pas le confondre avec le Moulin Combier actuel, situé plus bas sur la Mauvaise, et anciennement appelé moulin des Roches). Très peu de traces restent de ce moulin qui développait une puissance de 5,66 CV sur les 9,44 CV brutes de la chute dont la hauteur était de 4,4 m. Datant d’avant la révolution, il possédait une seule paire de meules. A l’emplacement de la réserve d’eau sont aujourd’hui plantés des peupliers.
Le moulin du Chizot
Situé sur la rivière de Changy, au-dessous du hameau actuel du Chizot, au bas du chemin qui va de la Croix Barraud à Émeringes. Non mentionné sur la carte de Cassini, il a dû être mis en service seulement au début du 19ème siècle. Il développait une puissance de 7,8 CV sur les 13 CV brutes de la chute dont la hauteur était de 5 m. L’ensemble comprenait deux moulins : farine et huile, bien visibles sur les cartes du cadastre de 1823. L’emplacement de la réserve d’eau est toujours bien identifiable ainsi que le canal d’alimentation qui prenait sa source en amont du petit pont de Torchin.
Le Moulin de Voluet
Ce Moulin n’est mentionné sur aucune des cartes consultées (carte de Cassini du 18ème siècle, cadastre napoléonien de 1823). Cependant, l’état des Moulins de la subdélégation de Belleville « AD Rhône 1C/148 » de 1870 mentionne cinq moulins sur Vauxrenard, sans citer les lieu-dits, celui de Voluet en fait certainement partie. L’existence du Moulin est attestée sur le terrain par la présence d’une réserve comblée récemment avec un bief d’arrivée d’une longueur de 270 m qui suit une courbe de niveau avec une prise d’eau en amont sur le ruisseau La Mauvaise juste au dessous de Bellecombe. La hauteur de chute est conséquente (plus de 5 m) avant de rejoindre le ruisseau de l’autre coté du chemin conduisant à Fontaban et au croisement des Labourons. L’emplacement du Moulin n’est pas visible. Il a vraisemblablement été démoli pour faire place à la maison actuellement occupée par MM Canard. A noter qu’un meunier à Voluet est cité dans les recensements de Vauxrenard (à rechercher vers 1851 ou 1856, J-P Léos)
Le moulin des Roches
Aujourd’hui dénommé « Moulin Combier », ce moulin est situé sur la commune d’Émeringes, à la jonction entre la Mauvaise et la rivière de Changy. Son nom actuel provient certainement de son propriétaire dans les années 1870, un certain Combier. Sa réserve est importante et toujours en état de fonctionner. La vanne d’alimentation du bief est située sur la rivière de Changy – et non sur la mauvaise comme mentionné sur la carte de Cassini – juste après le pont au passage de la rivière au bas de la route du Chizot à Émeringes. La réserve a été récemment (années 1960) utilisée comme bassin d’élevage pour des truites. En dehors des meules, il ne reste pas de trace de ce Moulin.
Daniel MATHIEU, décembre 2023