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Vauxrenard, les moulins au fil de l’eau
Pourquoi des moulins ?
Cultiver des céréales, moudre le grain et cuire le pain sont trois activités essentielles à la vie des hommes depuis des milliers d’années. Il est assez facile de cultiver des céréales un peu partout en France : blé dans les terres les plus riches sinon seigle, épeautre ou méteil (mélange de blé et de seigle) dans les terrains plus pauvres. Cuire le pain dans un four qu’il soit banal (partagé entre plusieurs familles) ou privé, était également une activité largement partagée dans la population à une époque où le boulanger n’existait pas encore. Par contre, moudre la farine n’était pas aussi aisé. Cela nécessitait de disposer d’une force motrice suffisante pour faire tourner de grosses meules en pierre. Dans les contrées plates ou dépourvues de rivières, c’était le vent qui animait le moulin à farine, alors que dans les régions disposant de ruisseaux c’était l’eau qui constituait la source motrice. Cette dernière était privilégiée, car plus facile à dompter que le vent avec ses aléas météorologiques. Par contre, dans un cas comme dans l’autre, il fallait transporter grains et farines de la ferme au moulin. Les moyens de transport étant très lents, en général à dos d’âne ou dans un chariot tiré par des bœufs, il importait donc que les moulins fussent nombreux et largement répartis sur le territoire communal.
Ainsi, sur la commune de Vauxrenard et dans sa proche banlieue ne dénombrait on au 19ème siècle, pas moins de 5 moulins au fil de l’eau. Ils étaient placés sur les deux ruisseaux qui drainent la commune : au nord le ruisseau de Changy qui prend sa source dans la montagne de Fontmartin, et au sud la Mauvaise qui naît dans les bois au-dessus de Vareille. Ces deux rivières se rejoignent sur la commune d’Émeringes, à la limite de Vauxrenard au lieu-dit le Moulin-Combier.
La carte de Cassini (fin du 18ème siècle) mentionne seulement 4 moulins : le Monneret, Bize, Bellecombe et les Roches alors que le cadastre de 1823 en mentionne un de plus, celui du Chizot sur la rivière de Changy. Celui de Voluet n’est mentionné nul part. Ainsi, en suivant le fil de la Mauvaise on rencontrait tout d’abord le Moulin du Prince (le Monneret), puis le Moulin de Bise et le Moulin des Combiers au lieu-dit actuel de Bellecombe et enfin celui de Voluet. Sur la rivière de Changy était cis le Moulin du Chizot, suivi du Moulin des Roches, aujourd’hui rebaptisé Moulin-Combier.
Chacun de ces moulins était aménagé sur le même modèle. En amont du ruisseau, parfois assez loin, se situe la prise d’eau avec une vanne d’alimentation suivie d’un bief, long canal qui conduit selon une pente très faible l’eau jusqu’à la réserve. À l’extrémité de la réserve, dont le volume est suffisant pour accumuler l’eau durant la nuit, se situe le béal ou canal d’amenée à la roue du moulin. L’eau, dont le débit est régulé par une vanne manuelle arrive par le haut de la roue à auges qui mesure aux environs de 3 m de diamètre pour des hauteurs de chute allant de 3,5 à plus de 10 mètres. Lorsque la hauteur de chute était importante, plusieurs roues se succédaient les unes en dessous des autres. Le moulin de Bise comportait ainsi 3 roues sur une hauteur de chute totale de 10,25 mètres. L’eau une fois turbinée, rejoignait le cours normal de la rivière par un canal de décharge. La puissance des moulins était exprimée en chevaux-vapeur (CV). Elle dépendait de la hauteur de la chute et du débit de la rivière. Le moulin du Prince disposait d’environ 3 CV de puissance brute alors que celui de Bise dépassait les 27 CV. Certains moulins combinaient plusieurs activités, comme par exemple le moulin de Bise ou celui du Chizot qui disposaient d’une meule à farine et d’une meule à huile pour écraser les noix ety autres graines oléagineuses.
Le fonctionnement du moulin n’était pas continu. Le débit de la rivière étant insuffisant pour mouvoir seul la roue, il était nécessaire de remplir la réserve pendant la nuit afin d’avoir suffisamment d’eau pour moudre la journée. De ce fait, le fonctionnement du moulin perturbait fortement le cours du ruisseau et les moulins successifs devaient s’entendre pour utiliser équitablement le débit de l’eau. Durant l’été, d’avril à juillet, les moulins étaient « mis au chômage » durant 4 mois afin de permettre l’irrigation normale des champs, qui était très importante à cette époque.
Les moulins à eau de Vauxrenard
Le moulin du Prince
Ce moulin est le plus en aval sur la Mauvaise, situé au lieu-dit le Monerey, puis le Moneret et le Moulin du Prince, nom de la localité actuelle. Il est présent sur la carte de Cassini (1780) et date donc d’avant la Révolution. Il possédait une paire de meules à grains avec une hauteur de chute de 3,4 m. La puissance utile de la roue était de 1,9 CV pour 3,17 CV brutes à la chute. Une partie de la réserve est encore visible dans la ferme du Moulin du Prince appartenant à Bernard Mathieu. Les ruines du moulin sont pratiquement effacées.
Le moulin de Bise
C’est le moulin le plus important avec 3 roues en cascade et deux activités : farine et huile. La force développée est de 16,5 CV pour 27,5 CV brutes à la chute dont la hauteur est de 10,25 m. C’est le seul moulin dont la réserve soit encore en eau. Les ruines des moulins sont également peu visibles, mais identifiables. Le moulin à farine s’est arrêté dans les années 1930. La réserve a également servi à alimenter une scierie avant que la roue ne soit remplacée par une chaudière à vapeur, puis un moteur électrique. Je me souviens y avoir travaillé avec mon grand-père jusque dans les années 1960.
Le moulin Combier
Ce moulin était situé au lieu-dit de Bellecombe, près de l’habitation de Marc Savoye (qu’il ne faut pas le confondre avec le Moulin Combier actuel, situé plus bas sur la Mauvaise, et anciennement appelé moulin des Roches). Très peu de traces restent de ce moulin qui développait une puissance de 5,66 CV sur les 9,44 CV brutes de la chute dont la hauteur était de 4,4 m. Datant d’avant la révolution, il possédait une seule paire de meules. A l’emplacement de la réserve d’eau sont aujourd’hui plantés des peupliers.
Le moulin du Chizot
Situé sur la rivière de Changy, au-dessous du hameau actuel du Chizot, au bas du chemin qui va de la Croix Barraud à Émeringes. Non mentionné sur la carte de Cassini, il a dû être mis en service seulement au début du 19ème siècle. Il développait une puissance de 7,8 CV sur les 13 CV brutes de la chute dont la hauteur était de 5 m. L’ensemble comprenait deux moulins : farine et huile, bien visibles sur les cartes du cadastre de 1823. L’emplacement de la réserve d’eau est toujours bien identifiable ainsi que le canal d’alimentation qui prenait sa source en amont du petit pont de Torchin.
Le Moulin de Voluet
Ce Moulin n’est mentionné sur aucune des cartes consultées (carte de Cassini du 18ème siècle, cadastre napoléonien de 1823). Cependant, l’état des Moulins de la subdélégation de Belleville « AD Rhône 1C/148 » de 1870 mentionne cinq moulins sur Vauxrenard, sans citer les lieu-dits, celui de Voluet en fait certainement partie. L’existence du Moulin est attestée sur le terrain par la présence d’une réserve comblée récemment avec un bief d’arrivée d’une longueur de 270 m qui suit une courbe de niveau avec une prise d’eau en amont sur le ruisseau La Mauvaise juste au dessous de Bellecombe. La hauteur de chute est conséquente (plus de 5 m) avant de rejoindre le ruisseau de l’autre coté du chemin conduisant à Fontaban et au croisement des labourons. L’emplacement du Moulin n’est pas visible. Il a vraisemblablement été démoli pour faire place à la maison actuellement occupée par MM Canard. A noter qu’un meunier à Voluet est cité dans les recensements de Vauxrenard (à rechercher vers 1851 ou 1856, J-P Léos)
Le moulin des Roches
Aujourd’hui dénommé « Moulin Combier », ce moulin est situé sur la commune d’Émeringes, à la jonction entre la Mauvaise et la rivière de Changy. Son nom actuel provient certainement de son propriétaire dans les années 1870, un certain Combier. Sa réserve est importante et toujours en état de fonctionner. La vanne d’alimentation du bief est située sur la rivière de Changy – et non sur la mauvaise comme mentionné sur la carte de Cassini – juste après le pont au passage de la rivière au bas de la route du Chizot à Émeringes. La réserve a été récemment (années 1960) utilisée comme bassin d’élevage pour des truites. En dehors des meules, il ne reste pas de trace de ce Moulin.
DM, 2018
Sources des données
- Carte de Cassini (fin du 18ème siècle) ;
- Cadastre de 1823
- Carte IGN 1/25 000
- Archives départementales du Rhône (dépouillées par Jean-Paul Léos) :
- 1-C/148, état des moulins, écluses et pertuis de la subdélégation de Belleville en 1780.
- S-862 Rivières et usines non navigables, statistiques de 1862