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Le boisement de la commune
C’est au cours du XIXe siècle que Vauxrenard connaît son maximum de population avec plus de 1000 habitants recensés. Le territoire de la commune est alors presque entièrement cultivé ou mis en pâture pour subvenir aux besoins de la population. La forêt n’occupe alors qu’une très faible surface (moins de 10% du territoire, contre plus de 55% aujourd’hui). Elle est cantonnée dans les zones les plus pentues ou les plus ingrates, difficiles à cultiver.
De nombreux arbres bordent les chemins et poussent dans les haies qui séparent les champs. En témoignent encore les gros châtaigniers alignés sur la trace des anciennes voies de communication et les arbres « têtard » qui ornent les talus séparant certaines parcelles de prés. Ces arbres étaient d’une grande utilité pour les fruits qu’ils produisaient (pommes, châtaignes), le bois utilisé pour se chauffer et le feuillage donné en nourriture aux animaux (fagots de feuilles de frêne). Cependant, le déficit d’arbres utilisables en bois d’œuvre pour la charpente, les piquets de clôture ou de vigne amena le conseil municipal à se poser la question du reboisement de la commune.
C’est alors que le 28 juillet 1860 est promulguée une loi ayant pour objectif «le reboisement de la plus grande surface possible de montagne». Elle prévoyait l’établissement de pépinières et fournissait gratuitement des plants à ceux qui voulaient reboiser leur terrain, public ou privé. Des aides aux propriétaires volontaires pour reboiser sont possibles. Ainsi, suivant cette directive, une délibération du conseil municipal de Vauxrenard du 17 février 1861 arrête la décision de reboiser les « communaux » (terrains municipaux réservés au libre pacage des animaux).
Le 10 novembre 1861, le Comte de Saint Trivier, maire de Vauxrenard, avec son conseil municipal, décident de boiser les terrains communaux inoccupés situés au lieu dit « les Gouttes » et «Charbonnières » sur la montagne des Éguillettes. Cette opération, bien qu’elle soit subventionnée en partie par le gouvernement et le département est coûteuse pour la mise à disposition et la préparation du terrain. La commune est pauvre, elle trouve cependant un arrangement pour disposer des terrains nécessaires, comme en témoigne cet extrait de la délibération du conseil municipal du 10 novembre 1861 :
Étant donné que d’un autre côté, tous les fonds libres sont absorbés pour cette année par la réparation du cimetière et l’ouverture ou l’entretien de chemins vicinaux,
- qu’il y a donc lieu de trouver un expédient pour faire pousser ces semis sans grever le budget de la commune,
- qu’il se trouve actuellement une partie des terrains communaux réservés pour les pauvres que ces derniers ne s’y rendant jamais, cette partie se trouve libre,
- que d’un autre côté divers fermiers des communaux sont disposés à changer leurs parcelles contre pareille contenance prises dans le lot des pauvres et se chargent en outre de rendre le terrain dont il sont actuellement fermiers tout prêt à être semé,
- que par ce moyen la commune satisfait cette année sans bourse délier aux demandes de l’autorité,
Le conseil après avoir mûrement délibéré approuve à l’unanimité les propositions de M. Le Maire et le prie de s’entendre avec M. Le Sous-Préfet et M. le Sous-Inspecteur des Eaux et Forêts pour en assurer l’exécution.
Le 11 novembre 1862, le conseil municipal vote le budget pour repeupler par voie de semis d’épicéas, de pins sylvestres, de pin laricio de Corse et de pins noirs d’Autriche une parcelle de 5 ha située aux lieux-dits des Gouttes et de Charbonnière.
Aux dires de feu Lucien Michaud (1920-2006) ces plantations ont été réalisées principalement sous forme de « corvées » par les habitants de la commune eux-mêmes. Il était parfois nécessaire de faire un apport de terre végétale à l’aide de seaux lors de la mise en place des plants du fait d’un terrain très maigre (pourcentage de rocailles ou de rochers trop important pour un enracinement et une reprise correcte du plant).
Les abatteurs et les débardeurs
Dans les années 1950, l’exploitation de la forêt se faisait manuellement, au « passe-partout », guidé par 2 bûcherons pour l’abattage, tandis que le débardage se faisait avec des bœufs.
A l’occasion de ces travaux dans la forêt départementale et jusqu’en 1955 environ, les bûcherons et les débardeurs restaient sur place, dans leurs roulottes stationnées vers la maison qui était utilisée par tous. Seul monsieur Polosse, débardeur pour la Scierie Lachize, avait sa roulotte personnelle qu’il stationnait sous les cèdres vers le réservoir. Ils préparaient leurs repas, et dormaient dans les roulottes. Ils travaillaient toute l’année, sauf au gros de l’hiver ; Les bœufs étaient abrités dans les 2 cabanes en bois qui ont été construites à leur intention à proximité de la maison de la Pépinière. Le foin était stocké dans ces 2 cabanes.
La forêt communale aujourd’hui
La forêt communale de Vauxrenard occupe actuellement une surface de 54,5 ha, dont 51,8 ha sont plantés en diverses essences (douglas, épicéas, sapins pectinés, mélèzes, pins Laricio et diverses essences feuillues), particulièrement bien adaptées à cette montagne (altitude comprise entre 680 et 847 m) au climat assez frais (1 060 mm d’eau annuel et 9,5 °C en moyenne) sur un sol relativement pauvre sur la zone de grès du trias (55 % de la surface). Elle est divisée en 9 parcelles dont l’exploitation est effectuée en futaie régulière.
Selon l’arrêté préfectoral du 7 août 2006, son objectif, est « la production de bois d’œuvre et la protection générale des milieux et des paysages ». La partie ouest de la forêt est concernée par une ZNIEFF (Zone Naturelle d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique) indiquant que cette zone comporte des éléments floristiques originaux mais pas d’espèces protégées.
La forêt communale de Vauxrenard fait aussi partie du massif répertorié « Montagnes autour d’Avenas » et, à ce titre, elle est classée par le département du Rhône en ENS (Espaces Naturels Sensibles) depuis 1991. Le droit de chasse est attribué à la société de chasse communale de Vauxrenard. Les risques d’incendie ne sont pas négligeables en période estivale sèche. Le rapport de gestion établi par l’ONF indique que « la pratique de la « moto verte » et du Quad, en progression constante, constitue une atteinte importante au milieu naturel, mais sa pratique limitée sur le site n’engendre pour l’instant pas trop de nuisance ».
La tempête de 1999
Selon l’ONF, « les deux ouragans du 26, 27 et 28 décembre 1999, exceptionnels par leur intensité, ont généré la plus grande catastrophe sylvicole des temps modernes sur le territoire national ». La forêt communale de Vauxrenard n’a pas été épargnée par l’ouragan « Martin » dans la nuit du 27 au 28 décembre (rafales de vent supérieures à 150 km/h) avec 28 ha de peuplement détruits, soit 54 % de la surface de la forêt communale ! Ainsi, 10 880 m3 de chablis (bois abîmés par la tempête) ont dû être commercialisés pour une recette totale de 178 000 €, bien en dessous de la valeur réelle des arbres sur pied avant la tempête. La décapitalisation due à cette tempête a représenté 18 années d’exploitation, ce qui est considérable (hors tempête de 1999, la forêt communale de Vauxrenard produit en moyenne 11 m3/ha/an de bois). Les installations expérimentales de l’INRA de Nancy installées en 1992 pour l’étude de l’écosystème des peuplements de Douglas ont été détruites par la tempête.
Plan d’aménagement de la forêt
Des plans d’aménagement forestiers sont établis régulièrement tous les 15 ans permettant de définir les objectifs souhaités par la Commune et la façon dont ils seront réalisés par l’organisme gestionnaire qu’est l’ONF. Le plan en cours, approuvé le 28 novembre 2005 par le Conseil municipal de Vauxrenard et validé par le Préfet du Rhône le 7 août 2006, couvre la période de 2006 à 2020. Il précise : « Le conseil municipal de Vauxrenard souhaite valoriser son patrimoine forestier en privilégiant la production de bois d’œuvre résineuse de qualité, notamment en Douglas, afin d’obtenir des recettes annuelles conséquentes. Toutefois, cet objectif de production doit être poursuivi en favorisant également d’autres fonctions de la forêt, notamment en matière de paysage et de biodiversité… ».
Des mesures sont prises pour améliorer la résistance de la forêt aux vents violents (régénération naturelle, lisières perméables, etc.) et l’accroissement de la biodiversité (îlot de vieillissement, conservation d’arbres morts et de cavités pour les oiseaux et les chauves-souris, préservation des points d’eau pour les bécasses et les batraciens…)
Afin d’atteindre ces objectifs, des programmations de coupe, de plantation et d’entretien sont établis pour la durée de la période. Ils ne peuvent être remis en cause que de façon marginale afin de maintenir l’intégrité et l’équilibre de la forêt.
Suite à la tempête de 1999, un effort très important de replantation a été mis en œuvre sur les parcelles endommagées (28,3 ha). Ces travaux onéreux (plus des 100 000 €) ont été subventionnés, notamment par des fonds nationaux et européens à hauteur de 80 %. Par contre, il faudra attendre encore des années avant de pouvoir entrer en phase d’exploitation et de rapport économique pour la commune.
Daniel Mathieu, août 2020
Ce texte a été rédigé sur la base des travaux de documentation de Cécile Large, fille d’Eugène BURGOT, ancien garde forestier de la commune de Vauxrenard.
Il a été relu, corrigé et complété par Bernard JOBARD, dernier « garde forestier » en exercice à la Pépinière.