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La vie à la ferme dans l’entre deux guerres
Quelques pages de vie à la ferme dans l’entre deux guerres (1920-1940), racontées par Marie-Louise LAROCHETTE, née à Trades le 9 février 1907 et décédée à Vauxrenard, hameau de Changy le 27 septembre 1997.
La ferme
Comme dans toutes les fermes de la montagne il y avait un peu de tout. D’abord des bêtes : des moutons, des chèvres, des cochons, des vaches. Nous avions de l’élevage à la fois pour le lait et pour la viande. On faisait des fromages avec le lait des chèvres et on tournait l’écrémeuse pour faire le beurre avec celui des vaches. Il y avait aussi pas mal de volailles, des poules, des oies, des canards… qui se promenaient dans les cours.
Nous faisions également toutes sortes de cultures. Des pommes de terre, des topinambours, des betteraves que l’on donnait aux bêtes pendant l’hiver, de l’avoine, du seigle, du blé, du sarrasin, et un peu d’orge, mais jamais beaucoup.
La marchandise se vendait bien et son prix allait toujours en augmentant. Nous allions souvent à la foire dans les communes avoisinantes pour vendre les produits. Je me souviens être allée à la foire de Saint-Christophe à pied avec un lot de gros cochons. Quand on partait le matin on ne voyait même pas les cochons, c’était très tôt et il ne faisait pas encore jour. Les routes étaient moins encombrées qu’aujourd’hui, mais c’était malgré tout un drôle de sport !
Nous allions aussi parfois à plusieurs, livrer des vaches ou des génisses à la foire de Tramayes, à environ dix kilomètres de la maison. Mon père les vendait à un marchand attitré, le père Rolet. Ma mère venait ensuite nous chercher en voiture à cheval.
Le beurre
Avant de faire le beurre il fallait tout d’abord récupérer la crème. À Trades puis à Changy, je me souviens toujours d’avoir eu une écrémeuse. Ceux qui n’en avaient pas, récupéraient la crème avec un « pochon[1] ». Ils la prélevaient sur le lait de la veille, pour qu’elle ait eu le temps de monter. Avec l’écrémeuse on la prélevait aussitôt que lait était trait, c’est-à-dire trois fois par jour. Le petit-lait écrémé était ensuite donné aux cochons, qui s’en régalaient. Comme on l’a vu on s’en servait aussi pour faire les gaufres, mais c’était bien tout. Nous gardions ainsi la crème pendant une semaine, au frais, dans un grand récipient en grès qui ressemblait un peu à un saloir. En bas de celui-ci, il y avait un trou avec un petit robinet par lequel on soutirait tous les deux jours le petit-lait qui s’accumulait, pour qu’il ne fermente pas.
À la fin de la semaine, en général la veille du marché ou du jour du passage du coquetier, on se mettait à battre le beurre. Nous mettions alors la crème dans la baratte, juste au niveau de la barre du milieu qui tenait les palettes. S’il y en avait trop il fallait faire deux « battues », quelle corvée ! Ensuite nous tournions la manivelle jusqu’à ce que le beurre soit pris. Ce n’était pas toujours facile à faire. Parfois il ne voulait pas prendre et l’on devait tourner cette manivelle sans arrêt pendant une heure et demie. En été il fallait refroidir la crème car s’il était trop mou, il était difficile à laver et le coquetier ne voulait pas l’acheter. On le gardait alors pour nous en le faisant cuire dans un grand faitout pour le conserver sous forme de « beurre fondu ». De cette façon il pouvait se garder pendant près d’une année dans des pots en terre. Nous utilisions toujours de ce beurre pour faire la cuisine ou pour mettre dans la soupe. Il était facile à cuisiner et nous n’utilisions que cela avec de la graisse de cochon. Une fois donc, que le beurre avait pris, nous vidions le petit-lait restant pour le remplacer par de l’eau fraîche, au moins deux fois de suite, pour le laver dans la baratte. Il fallait ensuite bien le battre et le malaxer à la main pour enlever les traces d’eau restantes. Nous en faisions ensuite des mottes d’environ une livre, entre deux palettes en bois ou dans un moule. Il était alors rangé à la cave avant d’être vendu.
Les fromages
Nous les faisions une fois par jour, avec un mélange de lait de chèvre et de lait de vache. Certains les voulaient « pur chèvre », mais ils étaient alors plus difficiles à réussir. De toute façon, faire les fromages était une histoire de tour de main. Le temps jouait tellement sur les fromages qu’on était jamais sûr de rien. Il ne fallait pas que le lait de vache soit chaud sinon il enlevait le goût de chèvre. Aussi on levait celui des vaches le soir pour le mélanger avec le lait des chèvres du matin. Nous mettions ensuite le lait dans un grand pot en terre dans lequel nous faisions prendre le fromage. L’hiver il fallait un peu réchauffer le lait avant de mettre la présure, l’été au contraire il fallait le faire refroidir.
Quand à la présure, autrefois nous la faisions nous-même. Pour cela nous achetions des caillettes de cabris chez la mère POULARD, en général de cabris mâles car elles étaient meilleures. Il fallait alors les laisser sécher avant de les mettre à tremper dans une saumure très concentrée, environ deux litres pour une caillette. Certains y ajoutaient une poignée de haricots secs, mais nous, nous n’en mettions pas. Au bout d’une dizaine de jours que cela trempait, la présure était prête. Nous en mettions environ une cuillère à soupe pour cinq litres de lait. Je trouve que cette présure était meilleure que celle que l’on achetait par la suite et qui avait tendance à laisser un petit goût d’amertume aux fromages. Une fois la présure mise dans le lait il fallait attendre environ une journée, en surveillant bien la température, avant de faire les fromages. On mettait alors le caillé dans les faisselles. Il fallait en rajouter un peu lorsque le caillé avait égoutté pour que les fromages soient gros. Le soir nous les retournions en les sortant des faisselles pour ensuite les saler sur les deux faces avec du sel fin. Le lendemain nous les mettions dans la cage pour les faire sécher. Tout cela faisait pas mal de travail, d’autant plus que nous trayions les vaches et les chèvres trois fois par jour et qu’à chaque fois il fallait aller les chercher puis les reconduire au pré, sauf le soir bien sûr.
La lessive du lundi
Avant qu’il n’y ait des machines à laver, nous faisions la « lavée » à la main pour le linge de corps et les vêtements, une fois par semaine, le lundi. On allumait la chaudière le matin, en se levant, pour faire chauffer l’eau. Une fois l’eau bien chaude nous la versions dans une benne avec un peu de lessive, pas trop car elle abîmait bien les doigts et y mettions ensuite le linge à tremper. On prenait ensuite les vêtements les uns après les autres pour les frotter avec une brosse et du savon sur la planche à laver.
Lorsque tout le linge était ainsi lavé nous allions le rincer. À Changy nous avons toujours eu l’eau dans la cour et c’était assez facile de le rincer au lavoir. À Trades par contre, nous allions le rincer à la rivière. Il y avait toujours un pré proche de la maison avec « goure » (petite mare) que l’on curait de temps en temps avec un « croc[2] » comme on disait, pour avoir assez d’eau. Pour enlever les taches nous utilisions aussi de la javel que l’on diluait dans une bouteille munie d’un bouchon avec un petit trou.
Quand au savon, nous l’achetions en barre, encore « vert ». Nous le découpions alors en morceaux avec un fil, pour le faire sécher afin qu’il fasse plus « d’abonde[3]« . Nous en empilions comme cela une dizaine de kilos sur le rebord de la cheminée, comme un jeu de cubes ; la réserve pouvait durer une année.
Pendant la dernière guerre, lorsque nous ne trouvions plus de savon il fallait le fabriquer. Nous allions pour cela chercher de la graisse chez l’équarrisseur, un peu plus loin que Mâcon. Après l’avoir fait fondre nous la mélangions avec de la soude caustique, pas toujours facile à trouver. Nous faisions ensuite bouillir le tout pendant un bon moment avant de verser le mélange dans un vieux tiroir pour le laisser refroidir. Quand le savon était froid et solidifié nous le découpions en morceaux avant de le sortir pour le faire sécher.
La grande lessive
Avec la lessive du lundi on ne lavait jamais le linge de maison, c’est-à-dire les draps, les serviettes, les torchons. Tout ce linge était rangé sur des étendages au grenier, pour être lavé une fois tous les trois ou quatre mois. Nous nous attelions alors à la grande lessive, la « beuille », souvent en s’entraidant avec une voisine. Pour faire cette lessive il fallait au moins deux journées sans ménager sa peine. Une journée pour « couler » la lessive, c’est-à-dire la laver, et une journée pour la rincer. Nous arrivions à laver ainsi jusqu’à une cinquantaine de draps à la fois.
Pour faire cette lessive on utilisait un grand cuvier en bois muni d’une « cannelle[4] » en partie basse pour évacuer la lessive. Nous commencions par mettre dans le fond du cuvier des fagots de bois pour faciliter l’écoulement de la lessive. Ces fagots étaient choisis dans un bois qui ne tachait pas le linge et étaient réutilisés plusieurs fois. Nous placions ensuite sur ces fagots une grande toile, le « chari », dans laquelle nous empilions le linge en couches successives, sans le torchonner. Le linge le plus sale était souvent savonné et mis à tremper un peu avant. Lorsque le cuvier était plein il arrivait qu’on le « gerbe » avec des hausses pour faire tenir tout le linge. On couvrait ensuite le tout d’un autre « chari » dans lequel nous mettions des cendres provenant de la cheminée ou du four à pain.
Pendant ce temps nous faisions chauffer la chaudière avec de l’eau que l’on versait progressivement dans le cuvier. Au début l’eau devait être juste tiède. Elle traversait les cendres puis le linge et était soutirée en bas par la « cannelle ». Cette eau, que nous appelions le « lissieu[5] » et qui ressortait alors presque aussi noire que du café, était remise dans la chaudière à réchauffer. Nous la passions ainsi progressivement de plus en plus chaude, jusqu’à ce qu’elle soit presque bouillante. Nous faisions cela environ sept fois. On laissait alors le linge refroidir pendant la nuit avant de le sortir. Le lendemain nous emmenions le linge à la rivière pour le rincer.
Ce jour-là, un homme venait souvent nous aider pour le transporter et ensuite barrer la rivière pour que nous ayons suffisamment d’eau. Il y mettait quelques fagots pour que l’on puisse y poser les pieds sans trop se mouiller. Nous nous mettions alors à rincer tout ce linge en frottant au savon les taches rebelles. Il arrivait parfois que notre morceau de savon tombe au fond de l’eau et s’en aille avec le courant. Au prix où il était, il fallait faire attention. On s’arrangeait en général avec une voisine pour faire cette corvée à plusieurs car il fallait être au moins deux pour essorer le linge en le tordant. Le linge rincé, nous le plions pour le manipuler plus facilement et aller le faire sécher sur des buissons ou dans un pré. Notre inquiétude venait alors du temps qu’il allait faire. C’est bien souvent qu’il se mettait à pleuvoir et que le linge n’arrivait pas à sécher.
Le pain et les gaufres
Nous faisions le pain tous les douze à quinze jours. C’est le « patron » de la maison, c’est-à-dire mon père, qui était chargé de ce travail. S’il était absent il arrivait que soit un commis qui le remplace, mais c’était exceptionnel.
L’opération commençait le soir avec la préparation du levain. Comme il ne fallait pas qu’il soit trop vieux, on se le passait avec un voisin, le père BARREAU de Trades. Le levain était conservé dans un pot en grès, il avait en général une dizaine de jours. Parfois plus, alors il fallait enlever la croûte du dessus avant de le mélanger dans la « patière »[6] avec de l’eau pour le diluer. On y ajoutait du sel et de la farine pour obtenir une pâte bien consistante.
Ce levain était maintenu dans un coin du pétrin avec une petite planche calée par de la farine. On le laissait ainsi pendant toute la nuit à fermenter. Le lendemain matin, une partie de ce levain était mise à part pour servir la prochaine fournée de pain du voisin. Le reste était soigneusement mélangé avec de l’eau chaude, environ un sceau et demi, dans lequel on pouvait juste tremper la main. Mon père ajoutait alors la farine progressivement, en veillant à ne pas trop en mettre, car il ne rajoutait jamais d’eau, cela faisait une « patouille » impossible à décoller.
Il brassait et tapait ensuite la pâte longuement en la faisant rouler sur elle-même jusqu’à ce qu’elle se détache des mains. Certains la laissaient ensuite lever dans la « patière », mais mon père préférait la mettre directement dans les corbeilles. On plaçait ensuite ces corbeilles sur la table de la cuisine, recouvertes d’un drap et l’hiver d’une couverture pour bien garder la chaleur de la pâte.
Celui qui était chargé du four, surveillait la levée du pain. Dès que celui-ci commençait à faire des bulles il enfournait ses fagots et allumait le feu. Il fallait chauffer le four régulièrement en déplaçant les fagots à droite, à gauche, puis au milieu. Il surveillait la température en frottant une branche sur le plafond du four. Il était chaud lorsque celle-ci faisait des étincelles. Selon la température ainsi estimée, il nous disait de laisser cuire le pain pendant une heure et quart ou une heure et demie. Ce n’était jamais les hommes qui défournaient le pain, mais les femmes de la maison. Une fois la cuisson terminée nous sortions le pain du four avec une planche ronde munie d’un long manche.
Nous profitions ensuite de la chaleur restante pour faire cuire différentes choses. Tout d’abord des galettes aux pommes avec de la pâte assez épaisse posée sur des feuilles de vigne-vierge ou de chou, parfois du riz dans un plat en grès avec du sucre, de la vanille et du lait ou bien des « matefaims », sortes de crêpes très épaisses cuites à feu doux dans une poêle. Nous y mettions aussi des pommes coupées en rondelles pour les faire sécher. On mangeait ensuite ces « pommes tapées », conservées dans une boîte, comme des pruneaux, en les faisant tremper dans du vin avec du sucre.
À Changy, je me rappelle que nous y faisions également cuire des « poirons » sur une grille spéciale munie d’un cadre en bois. Comme ils ne séchaient pas complètement nous pouvions les manger directement sans les faire tremper. L’hiver nous profitions aussi du four pour faire sécher les gros chaussons en laine cousus sur du velours que portaient les hommes, en les plaçant sur un fagot au bord du four.
Autrefois nous tirions partie de tout, beaucoup plus que maintenant. La cendre du four était récupérée d’un côté, et la « charbonnaille » de l’autre. Les cendres étaient utilisées pour la lessive ou mises dans les prés. La charbonnaille était brûlée dans une sorte de réchaud en fer que nous utilisions pour faire mijoter les ragoûts pendant les vendanges ou pour faire cuire le beurre. Dans toutes les maisons il y avait cette espèce de petit réchaud très pratique pour tenir les plats au chaud pendant longtemps.
Le pain étant fait tous les quinze jours ; à la fin de la deuxième semaine c’est bien souvent qu’il était un peu moisi par-dessous. Il fut un temps où nous le faisions à tour de rôle. Une fois en bas au Château où nous habitions, une fois en haut au Tradet chez mon oncle Antoine. Mais mon père y faisait grande attention et son pain était bien meilleur que celui du Tradet, toujours très plat et mal levé. Aussi cet accord cessa un jour sous le prétexte qu’il fallait toujours aller le chercher ailleurs quand on en avait besoin. Et c’est vrai que parfois avant le repas, il fallait que l’un d’entre nous aille au Tradet chercher l’un de ces pains de douze à quinze livres qu’on avait peine à tenir sous le bras.
Pour remplacer le pain ma mère cuisait souvent des gaufres, surtout pour le repas de midi. Celles-ci étaient faites avec de la farine de sarrasin et du lait de baratte. Nous n’y mettions pas d’œufs comme aujourd’hui, mais seulement un peu de farine de froment pour les améliorer, ce n’était jamais un régal. Nous les faisions pour économiser le pain à base de blé qui coûtait beaucoup plus cher. Ma mère les cuisait dans la cheminée, sur un trépied permettant de placer trois gaufriers en même temps. Elle utilisait deux fagots de petit-bois bien sec qu’elle plaçait de chaque côté. Quand les fagots étaient brûlés, les gaufres étaient terminées.
Je me souviens du berger qui attendait avec son chien pour emmener les moutons « en champs » et qui dînait donc avant tout le monde. La première gaufre que ma mère lui faisait, il la partageait toujours en deux, une moitié pour lui l’autre pour son chien. Parfois, ce partage durait pendant longtemps, car c’était un gros mangeur, et cela énervait ma mère de voir ainsi partir une partie de ses gaufres dans le ventre du chien.
Les repas
Le matin, au saut du lit, notre première activité consistait à faire le café. Les hommes en buvaient toujours une tasse avant de partir travailler de bonne heure « à la fraîche ». Ils restaient environ une heure et demie à deux heures à piocher ou à labourer avant de rentrer déjeuner. Pendant ce temps-là, nous préparions la soupe. Ce n’était pas comme aujourd’hui, où l’on fait la soupe pour plusieurs jours. Jadis nous la trempions deux fois par jour, le matin et le soir, quelle que soit la saison. Pour cela on mettait à cuire un morceau de lard dans la marmite avec des légumes, puis on versait le bouillon sur du pain pour le faire tremper. En rentrant du travail les hommes mangeaient ainsi leur soupe de pain avec leur morceau de lard. Pour le dessert, ils mangeaient du fromage, souvent du fromage fort qui avait vieilli dans un pot en terre, ils aimaient bien ça. Après le déjeuner ils repartaient travailler dehors.
Le lard constituait la principale viande que nous mangions. Quand j’étais à Trades et que nous faisions des petits cochons, on tuait souvent une truie au lieu de la vendre. Cela faisait du bon lard. Il fallait le faire cuire un peu plus longtemps, mais les trois quarts étaient du maigre et il ne « faisait pas le rond » en cuisant.
L’ordinaire des repas était constitué par des légumes. Des fricassées de pommes de terre et de raves noires, des purées, des ragoûts, des potées avec du chou cabus, des carottes, des bettes, des courges, des haricots, verts ou en grains. En dehors du morceau de lard le matin, nous ne mangions pas souvent de la viande. Un morceau de bœuf, une volaille ou un lapin en général le dimanche et parfois un autre jour dans la semaine. Nous mangions par contre souvent des œufs, soit en omelette soit cuits dur avec une sauce blanche ou au vin. Ma mère faisait aussi beaucoup de flans pour le dessert que nous alternions avec le fromage blanc à la crème.
Pour l’hiver nous faisions quelques conserves, des haricots verts stérilisés dans des bouteilles ou bien conservés dans du sel, des œufs crus conservés dans du lait de chaux, toujours au moins dix à douze douzaines.
Nous cuisions également du beurre dans un grand faitout pour « l’éclaircir[7] », puis celui-ci était mis dans des pots en grès dans lesquels il se conservait pendant tout l’hiver sans rancir. Ces suppléments permettaient de compléter les repas composés alors surtout de légumes secs comme les haricots en grains, de choux et de pommes de terre.
Pour les animaux, cochons et volailles nous faisions cuire des chaudières : une de pommes de terre ou de topinambours et une de farine de maïs. Nous y ajoutons pour les poules et les canards des orties séchées, coupées en morceaux.
Source : Daniel Mathieu, août 2011. Publication « Récits de ma grand-mère, Marie-Louise LAROCHETTE (1907-1997) ». Recueillis à son domicile de 1987 à 1990.
[1] pochon : grosse louche
[2] croc : trou d’eau dans la rivière suffisamment large et profond pour y laver le linge
[3] faire plus d’abonde : durer plus longtemps (à rapprocher du mot abondance)
[4] cannelle : sorte de gros robinet que l’on pouvait mettre sur un tonneau, un baquet…
[5] lissieu : eau chargée en carbonate de potasse provenant des cendres et qui a le pouvoir de dégraisser le linge
[6] La maie ou le pétrin
[7] éclaircir le beurre : le faire cuire à feu doux afin d’éliminer les traces d’eau restantes